dimanche 8 février 2009

PROBLÈMES ÉTHIQUES LIÉS AU CLONAGE

Il s'agit d'une manipulation radicale de la relation et de la complémentarité constitutives qui sont à l'origine de la procréation humaine, que ce soit sous l'angle biologique ou à proprement parler du point de vue des personnalités. Elle tend en effet à faire de l'existence des deux sexes un élément purement fonctionnel, lié au fait qu il faut utiliser un ovule, privé de son noyau pour produire l'embryon-clone; elle exige pour le moment un utérus féminin afin de porter à terme le développement de l'embryon. De cette façon, on met en œuvre toutes les techniques qui ont fait l'objet d'expérimentations dans le cadre de la zootechnique, réduisant ainsi la signification spécifique de la reproduction humaine.

C'est dans cette perspective que se situe la logique de la production industrielle: il faudra explorer et favoriser les études de marché, perfectionner les expérimentations et produire sans cesse des modèles nouveaux.

On assiste alors à une exploitation radicale de la femme, réduite à quelques-uns de ses fonctions purement biologiques (prêts d'ovules et d'utérus); des perspectives de recherche apparaissent tendant vers la possibilité de construire des utérus artificiels, dernière étape de la construction d'un « laboratoire » de l'être humain.

Dans le processus de clonage, les relations fondamentales de la personne humaine sont faussées: la filiation, la consanguinité, la parenté, l'engendrement. Une femme peut être la sœur jumelle de sa mère, ne pas avoir de père biologique et être la fille de son grand-père. Si la FIVETE avait déjà introduit une confusion dans les liens de parenté, le clonage, quant à lui, brise ces liens de façon radicale.

Comme dans toute activité artificielle, on « mime » et on « imite » ce qui a lieu dans la nature, mais seulement au prix d'une méconnaissance du fait que l'homme dépasse sa seule composante biologique qui, de plus, est réduite au mode de reproduction qui caractérise uniquement les organismes les plus simples et les moins évolués du point de vue biologique.

On répand l'idée que certains hommes peuvent exercer une domination complète sur l'existence d'autrui, au point d'en programmer l'identité biologique — sélectionnée en vertu de critères arbitraires ou purement instrumentaux — laquelle, bien quelle n'épuise pas l'identité personnelle de l'homme, qui est caractérisée par l'esprit, en est une partie constitutive. La conception sélective de l'homme aura d'autre part des conséquences culturelles graves également en dehors de la pratique — quantitativement limitée — du clonage, car elle développera la conviction que la valeur de l'homme et de la femme ne dépend pas de leur identité personnelle mais uniquement de leurs qualités biologiques qui peuvent être appréciées et donc sélectionnées.

Le clonage humain doit être jugé de façon négative également en ce qui concerne la dignité de la personne clonée, qui viendra au monde en vertu du fait qu'elle est une « copie » (même si ce n'est qu'une copie biologique) d'un autre être: cette pratique crée les conditions d'une profonde souffrance de la personne clonée, dont l'identité psychique risque d'être compromise par la présence réelle ou même seulement virtuelle de son « double ».

On ne peut pas non plus émettre l'hypothèse que puisse réussir la conspiration du silence qui, comme le remarquait déjà Jonas, serait impossible et tout autant immorale: puisque le « cloné » a été engendré en vertu de sa ressemblance à quelqu'un qui « valait la peine » d'être cloné, il n'en sera pas moins l'objet d'attentes et d'attentions néfastes, qui constitueront une véritable atteinte à sa subjectivité personnelle.

Si le projet du clonage humain entend s'arrêter « avant » la transplantation dans l'utérus, cherchant ainsi à échapper au moins à certaines des conséquences que nous avons signalées jusqu'à présent, il demeure toutefois également injuste d'un point de vue moral.

En effet, l'interdiction du clonage limitée au fait d'empêcher la naissance d'un enfant cloné, permettrait, quoi qu'il en soit, le clonage de l'embryon-fœtus; elle induirait l'expérimentation sur des embryons et des fœtus, et elle exigerait leur suppression avant la naissance, en procédant à des manipulations cruelles de l'être humain.

Une telle expérimentation est dans tous les cas immorale, car elle détourne arbitrairement la finalité du corps humain (désormais définitivement considéré comme une machine composée de pièces) entendu comme un pur objet de recherche. Le corps humain est un élément constitutif de la dignité et de l'identité personnelles de chacun et il est illicite d'utiliser la femme pour fournir des ovules sur lesquels on puisse effectuer des expériences de clonage.

Cela est immoral également parce que, dans le cas de l'être cloné, nous sommes en présence d'un « homme », bien qu'encore à l'état embryonnaire.

À l'encontre du clonage humain, on peut opposer en outre toutes les raisons morales qui ont conduit à la condamnation de la fécondation in vitro en tant que telle, ainsi qu'à la réprobation radicale de la fécondation in vitro destinée uniquement à l'expérimentation.

Le projet de « clonage humain » représente une dérive terrible vers laquelle est poussée une science sans valeurs; il est le signe d'un profond malaise dans notre civilisation, qui recherche dans la science, dans la technique et dans la « qualité de la vie » des substituts au sens de la vie et au salut de l'existence.

La proclamation de la « mort de Dieu », dans le vain espoir d'un « surhomme », comporte un résultat évident: la « mort de l'homme ». En effet, on ne peut oublier que la négation de l'être humain en tant que créature, loin d'exalter la liberté de l'homme, engendre de nouvelles formes d'esclavage, de nouvelles discriminations et de nouvelles et profondes souffrances. Le clonage risque d'être la parodie tragique de la toute-puissance de Dieu. Il ne faut pas que l'homme, à qui Dieu a confié la création en lui donnant la liberté et l'intelligence, ne voie les limites à son action dictées seulement par leur impossibilité pratique: il doit savoir poser lui-même ses limites en discernant le bien du mal. On demande encore une fois à l'homme de choisir: c'est à lui de décider s'il doit transformer la technologie en un moyen de libération ou en devenir lui-même l'esclave en introduisant de nouvelles formes de violence et de souffrances.

Il faut définir une fois de plus la différence qui existe entre la conception de la vie comme don d'amour et la conception de l'être humain considéré comme produit industriel.

Mettre fin au projet de clonage humain est un engagement moral qui doit être également traduit en termes culturels, sociaux et législatifs. En effet, le progrès de la recherche scientifique est bien différent de l'émergence d'un despotisme scientifique, qui semble aujourd'hui prendre la place des anciennes idéologies. Dans un régime démocratique et pluraliste, la première garantie pour la liberté de chacun se concrétise dans le respect inconditionnel de la dignité de l'homme, à toutes les étapes de sa vie et indépendamment des dons intellectuels et physiques dont il jouit ou dont il est privé. Avec le clonage humain, on supprime la condition nécessaire à toute convivialité, à savoir traiter l'homme toujours et dans tous les cas comme une fin, comme une valeur et jamais exclusivement comme un pur moyen ou un simple objet.

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